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Laurent Frajerman (dir.) Penser et faire l’école,
dossier de la revue La Pensée n°357, janvier/mars 2009

couverture dossier Ecole Laval Prost Barrère

Comptes rendus

Présentation

 L’école est au cœur d’enjeux capitaux : transmission, insertion professionnelle, rapport à l’individu, etc… Ce n’est pas un hasard si Sarkozy lui accorde une telle importance et pousse son ministre de l’éducation nationale à appliquer ses projets funestes, malgré le risque d’impopularité qui en découle. Non content de faire subir à l’école une cure d’austérité sans précédent, Xavier Darcos tente d’imposer une pédagogie officielle aux professeurs des écoles, détruit la carte scolaire afin de renforcer la ségrégation, s’attaque aux structures d’éducation prioritaire. Les contours de son projet réactionnaire se précisent peu à peu, élément après élément. Xavier Darcos prétend s’appuyer sur l’exemple finlandais, égalitaire, pour mieux imposer une école anglo-saxonne, néo-libérale, différente selon les établissements et leurs publics. Ainsi, son projet de réforme des lycées consiste en une tentative d’imposer une baisse des exigences scolaires (objectif du zéro redoublement). La semestrialisation des cours porterait un coup au groupe classe, renforçant l’anonymat des élèves auprès des professeurs.

Le retrait de cette réforme montre que le ministre peut être contré. Mais alors, pourquoi les forces progressistes tardent-elle tant à se mobiliser à la hauteur de l’agression contre l’un des fondements du pacte républicain ? D’abord parce que leur propre projet de transformation de l’école est en crise, en lien avec l’approfondissement de la crise du capitalisme et de la société française. Dans la liste des mesures établie plus haut, nombre de progressistes réprouvent fortement un item, tout en approuvant un autre. Les réponses à apporter sont en effet loin d’être univoques, et la division des progressistes sur l’école en camps reflète des tensions objectives (article de Laurent Frajerman).

Pour traiter cette question, La Pensée a donc engagé un dialogue entre toutes les conceptions progressistes, en replaçant les problèmes dans leur profondeur historique. Ainsi, Guy Coq invite à repenser la place de la culture dans l’institution scolaire, en cessant de refouler la logique élitaire, aussi légitime que la logique égalitaire. Antoine Prost considère plutôt que la gauche a pêché par absence de volonté d’imposer la démocratisation complète de l’école et les pédagogies nouvelles, notamment lorsque le plan Langevin-Wallon a été enterré. Christian Laval replace ce débat dans une perspective mondiale, celle d’une école néo-libérale, dont les objectifs diffèrent profondément de l’idéal de formation du citoyen.

Ce débat repose aussi sur des perspectives empiriques. Il importe de ne pas dessaisir les acteurs du système scolaire, et de s’appuyer sur leur réflexivité. La sociologie fournit des matériaux pour affiner le diagnostic, qu’il s’agisse de l’analyse du travail scolaire (Anne Barrère), de l’attitude des professeurs confrontés à l’évolution des publics scolaires (Jérome Deauviau), ou encore du douloureux problème de l’échec scolaire (Stéphane Bonnéry).

Compte-rendu de Vincent Troger dans Sciences Humaines, n° 205, juin 2009

La revue propose dans sa dernière livraison un dossier éclectique et stimulant sur l’école contemporaine. Laurent Frajerman et Guy Coq y soulignent les contradictions de la pensée scolaire de gauche, écartelée entre une visée méritocratique et une visée égalitaire. Antoine Prost apporte à cette analyse le recul de l’histoire en révélant les origines de l’hostilité d’une partie de la gauche aux méthodes pédagogiques novatrices. L’enquête de Jérôme Deauvieau poursuit la réflexion en interrogeant les opinions et les pratiques des professeurs du secondaire confrontés aux conséquences de la massification. Il montre que les choix pédagogiques des enseignants face aux élèves en difficulté sont relativement indépendants de leurs positions politiques. Dans une synthèse de ses recherches antérieures, Anne Barrère pointe cette autre conséquence de la massification qu’est le fréquent malentendu entre les enseignants et leurs élèves à propos du travail scolaire : quand les uns espèrent de l’autonomie et de l’intérêt pour leur cours, les autres attendent du soutien et des bonnes notes. Stéphane Bonnéry clôt le dossier par une interrogation critique sur l’efficacité des pédagogies individualisées désormais prônées par l’institution. Il démontre qu’elles peuvent, autant que les pédagogies traditionnelles, empêcher les élèves en difficulté de faire le lien entre la réalisation d’une série de tâches scolaires ponctuelles et l’acquisition durable d’un savoir constitué. Tout dépend en définitive de la compétence des enseignants. De ce point de vue, on peut emprunter la conclusion à L. Frajerman : « L’enseignement de masse repose sur une masse d’enseignants, qui ne peuvent tous être les individus d’élite dont rêvent les rénovateurs pédagogiques. »

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